Le ksar de Blilou se trouve à une vingtaine de kilomètres d’Adrar. Il fait partie de la circonscription administrative de la commune de Bouda.
C’est un endroit paisible où il fait bon vivre. Peuplé de plus de 2 000 âmes, ses habitants pour la plupart se rendent quotidiennement soit au chef-lieu pour y travailler soit dans leurs champs où le travail de la terre leur assure la subsistance. Mais ce qui distingue ce ksar des autres c’est l’organisation de ziara deux fois par an au lieu d’une à l’instar des autres ksour de la wilaya. La première débute les 23 et 24 octobre, la seconde tout juste le deuxième jour de l’Aïd El- Adha. Les préparatifs sont longs, éprouvants et contraignants : ils sont le fruit de toute une année de travail et d’économies. Il faut rappeler que même pour les plus démunis, cet évènement religieux est sacré et personne ne s’y dérobe. Les invités, les amis, les proches sont là et il faut les accueillir. Pourquoi deux ziarate au lieu d’une ? Deux saints, deux cheikhs de zaouïa qui vécurent en même temps et se vouant une admiration et un respect mutuels décident d'un commun accord d’un arrangement. Cheikh Benounes et Sidi Rahmani conviennent à ce que la célébration de la cérémonie ait lieu le jour pour le premier et la nuit pour le deuxième. Et depuis, ce rituel se perpétue attirant de nombreux visiteurs de Reggane, Timimoun, Aoulef, Kerzazi, parfois même au-delà. Qu’il vente, qu’il pleuve, rien ne vient perturber l’immuabilité de ce grand rassemblement où les hommes parés de leurs plus beaux habits (gandoura et chèche) paradent comme de grands guerriers. Leurs danses sont rythmées par des groupes folkloriques, brandissant karkabou et aghlal(grosse derbouka). Cette attraction dure toute la journée et une partie de la nuit. Les participants ne se reposent que pour aller faire ripaille. Brochettes melfouf, couscous garni de légumes et de viande sont dégustés par de nombreux convives dont le nombre ahurissant dépasse amplement les 2 000 ou 3000 personnes. Tout ce beau monde se retrouve assis à même le sol. En guise de table, une toile cirée est étalée. Un groupe de 8 ou 10 se constitue et après les entrées proposées : malfouf, horsd’œuvre, le plat de consistance (couscous) fait son apparition, recouvert d’un couvercle en osier. Aussitôt, l’un des invités, après avoir pris le soin de se laver les mains, s’empare de la viande et commence la distribution, une répartition équitable tesmar. Chacun attend patiemment son tour. Sitôt le morceau de viande déposé dans l’endroit préalablement creusé, on s’empresse de l’envoyer au fond du gosier. Cette manière de faire trouve son explication dans deux versions différentes. La première nous renvoie au passé où les gens pauvres et démunis ne pouvaient se permettre de consommer la viande quotidiennement, alors quand l’occasion se présente, autant le faire avec parcimonie. La deuxième vous oblige à manger le couscous fourni dans un grand plat en bois. Alléché par le morceau de viande, on n’hésite pas à emballer tout ça dans la cuillerée. On ne peut se retirer de la salle sans prendre les 3 verres de thé : le premier est amer comme la vie, le deuxième doux comme l’amour et enfin le troisième léger comme l’air. Le thé, bien entendu, servi sous forme de décoction, a bouilli sous les braises dans un brasero ( mejmer). Blilou et toute la région de Bouda sont surtout prisés pour leurs bains de sable chaud et sa source thermale, Aïn Chafia. Quand on souffre d’arthrose, de mal de dos, de rhumatisme, il est tout à fait recommandé d’enfouir une partie de son corps ou du moins la partie «malade» dans le sable. La tête, quant à elle, sera recouverte d’un drap retenu par des piquets de fortune (branches de palmier). L’enfouissement peut durer de 1 à 3 heures. Une fois sorti de trou, on vous couvre d’une couverture et on vous sert un bon bol de soupe ( lehssa). Cette opération peut se répéter également 1, 2 ou 3 fois. Il paraît que ceux qui l’ont essayée se sont sentis soulagés et leurs souffrances ont fini par s’estomper. La période recommandée va du mois d’avril au mois d’octobre. La source thermale Aïn Chafia est l’endroit indiqué par référence pour ses soins appropriés pourvu que la foi soit présente. On raconte que le saint Cheikh Sidi M’hamed avait pris l'initiative durant les années 1900 à 1930 de restaurer une ancienne foggara. Il avait demandé à tous les fellahs des champs avoisinants de ne pas les cultiver et attendre la fin des travaux. Tous se soumettent à l'exception d’un seul. Puis réalisant la gravité de son acte, il se rend chez le cheikh pour lui faire part de sa conduite. Celui-ci lui suggère de couper les épis et de les laisser tel quel. Une fois la besogne terminée, le fellah insoumis fut surpris en retournant à son champ de retrouver ses épis transformés en grains, ils avaient mûri. La conduite souterraine de cette foggara donna naissance à une source connue aujourd’hui sous le nom de Aïn Chafia. Des handicapés retrouvèrent leurs jambes et certains muets, la parole. Incroyable mais vrai ! Si auparavant, les gens éprouvaient d’énormes difficultés pour s’y rendre à cause de l’ensablement puisqu’une piste non balisée vous conduisait, aujourd’hui, la route est là et d’Adrar à Aïn Chafia, on met à peine 20 minutes. Une manifestation divine, sans aucun doute ! L’eau propre à la consommation est très bonne et facilite la digestion. Pour l’anecdote, si vous êtes invité à Bouda, une fois la panse remplie, de retour à Adrar, la faim vous tenaille. C’est le résultat de l’eau. Pour revenir à la célébration de la ziara, il est utile de préciser que la veille, la coupole qui abrite le tombeau du saint est passée à la chaux et décorée de branches de palmier. Les habitants de Moulay Mimoun et de Béni Abdessadek arrivent de leur ksour respectifs, arborant drapeaux et d’énormes étendards multicolores. Certains sont destinés à l'habillement du tombeau. Durant toute la matinée c’est la parade, c’est la danse en continu où les fusils font parler la poudre. Cette fête continue tard dans la nuit et permet aux femmes, libérées de leurs tâches ménagères, de prendre part aux festivités : folklore, baroud, tbel constituent une véritable attraction. Tous se sentent bien. Car ici et en ce moment, personne ne ressent le besoin de quitter se spectacle envoûtant, personne n’est dans le besoin, seuls les gens cupides le ressentent. Cette tradition nous amène à dire que le retour aux sources nous conduit inéluctablement à éviter les excès de la circulation contemporaine, de ne pas être esclave passif de la télévision, de la téléphonie mobile. Là au moins, les gens existent et s’expriment. Cette première journée appelée mize attire un nombre réduit de convives, mais par contre, le deuxième jour, jour de la ziara c’est l’attroupement généralisé. Point de place. Ni pour les piétons ni pour les véhicules. Un monde fou. Ça grouille de partout. La même ferveur, la même cérémonie gagne aussi la population de Gsiba à quelques kilomètres plus loin, qui célèbre la ziara de Sidi Saïd. Un phénomène qui dure depuis des siècles et célébré à travers les 294 ksour que compte la wilaya. Beaucoup de mystères, de secrets entourent cette manifestation religieuse que clôture une Fatiha où des versets coraniques sont récités depuis le crépuscule jusqu’à l’aube. Puis tous ces gens se dispersent avec une seule idée en tête, remettre cela l’année suivante. C’est un monde qui vit en parfaite harmonie où le besoin d’aider son prochain est omniprésent, où les gens n’ont rien mais s'habillent de modestie. La visite de cette région est à recommander et sa source, Aïn Chafia, n’a pas encore fini de nous étonner et de nous surprendre. A vos montures !
El Hachemi S.
El Hachemi S.
Retour des pèlerins Adrar connaît une spécificité particulière par rapport à son vaste territoire et ses 294 ksour dispersés à travers toute la wilaya. Ces jours-ci, la wilaya d’Adrar, à l’instar des autres villes du pays, vit un événement particulier qui se traduit par le retour des pèlerins. Lundi, mardi et mercredi sont les jours de fête et de liesse. Dans un concert de klaxons, les véhicules arborant fièrement l’emblème national prennent d’assaut l’aéroport de Timimoun. Il faut souligner la présence régulière et permanente des agents de la sûreté qui veillent scrupuleusement au bon déroulement des opérations. Au niveau de l’aérogare de Timimoun, le personnel de la douane, de la santé, de la gendarmerie, de l’EGSA par leur savoirfaire ont largement contribué à l’accueil des hadjis, exténués par ce long périple. A l’extérieur, les youyous fusent de partout et des groupes folkloriques (karkabou et tbal) animent à leur manière ce retour tant attendu. Si pour les gens de la ville de Timimoun, le voyage est terminé, pour les autres pèlerins d’Adrar, Aoulef et Bordj Badji Mokhtar, il reste encore du chemin à faire. La nuit, ils la passent chez des proches pour repartir le lendemain. Ils ne sont pas encore au bout de leur peine. Mais sitôt arrivés à destination, les familles, qui, auparavant, avaient pris le soin de peaufiner les préparatifs, sont là pour les accueillir. Le mouton est égorgé, les légumes, fruits et limonade sont achetés. Les gâteaux ont été confectionnés bien avant et la théière fume sur la brasero, et ceux qui viennent rendre visite au hadji ont droit à une collation de l’eau de Zemzem et un verre de thé. Chacun raconte ses péripéties devant une assistance attentive et ceux qui ont déjà eu le privilège de s’être rendus à La Mecque confirment le récit. Cette année, on parle beaucoup des facilités apportées quant au lancer des sept pierres. Beaucoup sont ravis et n’ont pas éprouvé de contrainte particulière. Dans quelques jours, les nouveaux pèlerins vaqueront à leurs occupations respectives et la vie reprendra son cours habituel.
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