Gourara, cette région qui englobe la daïra de Timimoun connue sous le nom de l’oasis rouge offre un paysage hallucinant triptyque existentiel. C’est un désert où se conjuguent les hommes et leur histoire, la terre. Cette terre siège de guerres et de défis permanents, où la lutte est quasi permanente afin d’assurer, grâce aux cultures, une subsistance quotidienne. C’est dans cette partie de l’Algérie profonde du Gourara que se manifestent les chants d’une singulière délicatesse, de Ahellil. Timimoun organise cette année, du 25 au 30 décembre 2014, des journées consacrées exclusivement au chant Ahellil.
Son apparition
On ignore exactement l’époque, où ce chant fit son apparition ; cependant, certains manuscrits relèvent sa trace à partir du XIVe ou XVe siècle. Cette forme de chant qui se traduit par plusieurs façons à la fois poétique, musicale et chorégraphique, établit un équilibre entre les difficultés d’une dure existence.
Chant sacré du Gourara
C’est l’expression artistique la plus répandue, Ahellil proviendrait probablement, selon certaines sources, du mot arabe ‘tahlil’. Chanté en dialecte zénète il demeure le chant sacré du Gourara qu’on retrouve pratiquement dans toutes les cérémonies ; il est très apprécié et très convoité dans tout le territoire national et même au-delà. Il est généralement organisé la nuit, le jour étant consacré aux travaux des champs. Le chant dominant relate des thèmes religieux, dont le contenu est essentiellement focalisé sur les louanges et les supplications du prophète et aux saints locaux et autres .
Comment est-il chanté ?
Les participants forment un cercle, épaule contre épaule, reprennent en chœur des strophes, en donnant la réplique au chanteur soliste ou ‘Abechnew’ personnage central autour duquel convergent tous les regards et les chanteurs, car il n’a pas le droit à l’erreur, ce qui risquerait d’engendrer un conflit au sein des tribus et confréries. Les vers ne sont pas récités ou psalmodiés, ils sont chantés en glorifiant Dieu et son prophète et parfois de saints personnages comme Sidi-Abdekader Djillali qui vécut, pour le préciser, au XIIe siècle, connu comme étant le Saint-patron de la ville de Baghdad et fondateur de la plus ancienne des confréries, la Quadirya. Des poèmes panégyriques font également partie du récital .
Ahellil, chant exclusif du Gourara
On ne retrouve ce chant que dans cette région de Timimoun, baptisée, l’oasis rouge, à cause de la couleur utilisée pour la fabrication du pisé (toub). Cette ville doit son nom à son fondateur Mimoun, un berbère originaire du ksar de ‘Tibayaouine’. Le préfixe rajouté ‘tin’ indique l’appartenance qui nous entraîne à comprendre que Timimoun étant la ville de Mimoun. Alors que Tigourarine qui donnera plus tard Gourara ‘monticules.
Chants profanes, chants sacrés
Ce chant appartenait, dans sa forme primitive à une variété de chants profanes liés à l’érotisme et à la beauté de la femme. C’est avec le début de l’islamisation de la région en l’an 76 de l’hégire que les zaouia ont contribué à l’apprentissage et à la diffusion de l’islam. La forme la plus ancienne de Ahellil avant l’islamisation se nommait ‘izelouanes’ ; elle était célébrée en groupes mixtes ; néanmoins en public, seuls ont le droit d’y participer.
Ahellil au service de l’islam
Au début de l’islamisation du Touat (région d’Adrar) et Gourara (région de Timimoun), les missionnaires musulmans ont saisi l’importance de ces manifestations publiques et la foule qu’elles attirent afin d’introduire d’une manière progressive les paroles divines, ainsi que des notions religieuses qui apportaient les corrections nécessaires à celles empruntées auparavant .
On raconte qu’un saint local du nom de Sidi-Moussa avait une fille qui se prénommait “Lalla Daima”, qui, pour ne point sentir ni la fatigue ni les heures qui s’égrenaient fredonnait des airs, tout en actionnant la meule de grains. Son père remplaça ces airs par des paroles religieuses et d’une pierre deux coups, moudre le grain et apprendre les préceptes de l’islam.
Propagation du chant
C’est pendant les ziarate, sorte de rassemblement collectif, où l’on célèbre Dieu, son prophète et les saints locaux, que le chant Ahellil prend de l’ampleur, dont voici un petit extrait :
Seigneur, bien-aimé, notre Maître
Ta générosité jamais ne fait défaut, jette tes yeux sur moi,
Regarde-moi, Maître, à qui rien n’échappe !
Les principales régions où se sont développés ces chants se répartissent comme suit: Timimoun, Deldoul, Aougrout, Ouled-Aïssa, Ajdir, Talmine.
Ces chants évoquaient aussi l’histoire tourmentée de ces contrées ravagées à l’époque par la famine, les épidémies et les guerres tribales.
Déroulement du chant
C’est le flutiste qui donne le signal de départ, suivi du guenbri pour trouver l’accord à retenir en vue de lancer le chant. Ensuite, le soliste, à la voix merveilleuse très fine, assure la cadence, une cadence rythmée par des claquements de mains qui apportent résonance, harmonie, douceur et mélancolie. En cette occasion, Madani Fouatih, le wali, explique que la conservation de ce souvenir est la continuation du passé dans le présent car le souvenir servait notamment à immortaliser la gloire des hommes, une sorte de survivance active du passé dans le présent. Le wali attache une importance particulière à de pareilles manifestations que renferme la wilaya d’Adrar.
Depuis la prise des rênes de cet immense territoire, le wali en responsable immarcescible, infatigable multiplie les visites, suit de près le déroulement des différents projets qui assureront à Adrar une place prépondérante.
Un vent nouveau souffle et pénètre les coins les plus reculés du Grand Sud. Cette mesure concrète qui permet de conserver ces chants a accueilli un écho favorable au vu de ce qu’ils représentent, un véritable trésor inestimable, car ce trésor est une belle chose et les belles choses sont éternelles.
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