samedi 27 juin 2015

Tout sur cheikh Sidi Mohamed Ben Lekbir



LE CHEIKH EST NÉ EN 1911 DANS LA COMMUNE DE BOUDA, DANS LA WILAYA D’ADRAR. DU CÔTÉ PATERNEL, SA FILIATION REMONTE AU KHALIFE OTHMAN IBN AFFANE, CÔTÉ DE SA MÈRE, NOTRE CHEIKH SE TARGUE D’ÊTRE LE DIGNE REPRÉSENTANT DE LA LIGNÉE DES «CHOURAFA» DESCENDANTS DU PROPHÈTE MOHAMED (QUE LE SALUT SOIT SUR LUI).
A l’âge de sept ans, il perd sa mère et grandit dans la maison paternelle avec sa marâtre. Son père s’occupe de son éducation. Ainsi, le jeune Sidi Mohamed commença par l’apprentissage du Coran auprès de son oncle. Le fiqh et l’arabe suivirent. Agé de 18 ans, il se rend à Tamentit, petite localité située à 12 km d’Adrar. Là, pendant deux ans, sous l’œil attentif du maître Sidi Ahmed Didi, un homme pieux et respecté de la famille des Bekri, il continue son apprentissage. Mais le père du cheikh avait besoin du jeune prodige, qui dut se résigner à retourner au bercail familial, à Bouda où l’attendait un travail labo- rieux : s’occuper du «djenen». Une tâche rude et rigoureuse qui demandait sacrifice et abnégation. Deux ans, il quitte son ksar natal et se rend à Tlemcen pour s’initier au «Dikr» et à l’éducation soufie auprès d’un grand cheikh, en l’occurrence le patron de la zaouia de Kerzaz : Sidi Boufeldja Ben Abderrahmane qui occupait le poste d’imam de la grande mosquée de Tlemcen. Mais le poids de l’âge allait constituer un véritable handicap pour notre imam qui ne pouvait plus répondre à la soif d’apprendre du cheikh Sidi Mohamed. Celui-ci lui demande de lui indiquer un érudit capable de lui enseigner et de lui communiquer le rite malékite et les principes du fiqh. On lui conseille alors de retourner auprès de son maître à Tamentit. Mais devant la crainte et l’appréhension paternelles, il renonce et décide de rester à Tlemcen, mais chez un autre maître d’Adrar, un homme érudit et propriétaire d’une bibliothèque. Et Sidi Mohamed Belekbir de passer des nuits entières à lire, à chercher, à comprendre. Travail envoûtant et absorbant qui allait être payant par la suite, car tout ce qu’il lisait la nuit, il en discutait avec son maître le matin. Il ne perdait pas son temps. Ceci allait durer quatre mois jusqu'au jour où cheikh Sidi Boufelja rendit l’âme, une mort et une perte qui allaient l’affecter terriblement. Des habitants de la ville d’El Aricha prennent contact alors avec Sidi Mohamed Belkebir et lui demandent de dispenser des cours d’apprentissage du Coran à leurs enfants. Il finit par céder à leur demande en ayant reçu l’aval de son paternel. Après avoir passé une année entière parmi ces braves gens, il décide de rentrer mais devant l’insistance des gens d’El Aricha, qui ne voulaient pas le laisser partir, il renonce et s’installe à nouveau parmi eux avec la bénédiction de son père. Ainsi, Sidi Belekbir passe deux années à El Aricha et se rend ensuite dans la ville de Mecheria à la demande de notables de cette ville pour également s’occuper de leur progéniture : apprentissage du Coran. Toutes ces propositions d’El Aricha et Mecheria ont obtenu l’accord paternel. En effet sans l’assentiment de son père, rien n’aurait pu se faire, ce qui prouve encore une fois la soumission remarquable de Sidi Mohamed vis-à-vis du père. Hadj Mohamed fut l’un de ses disciples émérites, qui émergea du lot. Ravi, son père offre à Sidi Mohamed deux vaches laitières, une pour le maître, l’autre pour le fils qui avait brillé. Notre disciple comblé décide à son tour d’offrir sa vache à son maître qui la revendit pour quelques dirhams qui lui permettent d’acquérir tout ce dont il avait besoin pour peaufiner son apprentissage : dictionnaire et autres ouvrage tels que «Sahih El Boukhari». A Mecheria, il se marie et Dieu agrémente son foyer d’une petite fille qui, hélas, allait décéder. A Bouda, le père est souffrant et lorsque Sidi Mohamed l’apprend, il s’empresse de rentrer rendre visite à son père malade. Dans la précipitation, il laisse sa femme chez ses beaux-parents. On lui conseille alors de rester auprès de son père et de ne pas retourner à Mecheria. Sidi Mohamed s’exécute. Lorsque son père se rétablit, il demande alors à sa femme de le rejoindre à Bouda où il venait d’élire domicile. Cette dernière refuse et décide de rester auprès de sa famille. Contraint, Sidi Mohamed dut se résoudre au divorce. A Bouda, Sidi Mohamed s’occupait de son père, lui préparait soupe, thé, repas. Une tâche qui ne l’incommodait nullement. Le petit déjeuner, il le prenait avec son père, suivi de versets coraniques psalmodiés. Et en bons musulmans, ils ne rataient jamais la prière du «Sobh» à la mosquée ainsi que les autres prières. Un jour, un commerçant de Timimoun, Hadj Ahmed Akacem, l’invite à Timimoun, à 220 km d’Adrar, pour s’occuper de son école coranique qui regroupait une quarantaine d’apprenants. Mais en 1947, Sidi Mohamed, alors âgé de 36 ans, assiste au décès de son père. En 1948, Sidi Mohamed Belekbir quitte Timimoun et s’installe à Bouda où il entreprend la construction d’une medersa qui enregistre de nombreux inscrits, tous associés de savoir. En 1950, Hadj Ahmed Kabouya, commerçant d’Adrar, lui rend visite et lui fait savoir que son maître, Sidi Ahmed Didi, voudrait le voir. Une fois à Tamentit, en présence de son maître, Sidi Mohamed Belekbir rejette la proposition du maître, à savoir devenir imam de la mosquée de la ville d’Adrar pour l’unique raison que cette ville était pervertie. Le maître allait convaincre Sidi Mohamed que c’était à lui de redresser la situation et de faire d’Adrar une ville accueillante. Sidi Mohamed disposait d’un délai d’un an pour réaliser son envie. En cas d’échec, il serait libre de retourner à Bouda. On retient que Sidi Mohamed était un homme honnête et loyal et savait partager et se montrer très indulgent envers les autres. En 1965, il entreprend les travaux d’aménagement de la mosquée, lieu de culture par excellente, bâtie en 1946. L’école coranique trouve sa place et cette zaouia de Sidi Mohamed Belekbir, que Dieu ait son âme, a toujours prôné un Islam de tolérance, de paix et de pardon. Des milliers d’étudiants l’ont fréquentée et continuent à le faire aussi bien nationaux qu’étrangers, du Sénégal, du Niger et du Mali. Rappelons que cheikh Sidi Mohamed Belekbir, comme nous l’avons précisé au début de ce reportage, remonte très loin : c’est cheikh Sidi Med Ben Sidi Med Abdallah Ben Med Ben Abdelkrim Ben Abdallah Ben Med Ben Abderrahmane Ben Ali Ben Ahmed Ben Daoud Ben Med Ahmed Ben Med Ben Abdallah Ben Soltan Ben Tamine Ben Omar Ben Malouk Ben Youness Ben Madani Ben Dani Ben Saknass Ben Maghraoua Ben Kaiss Ben Med Ben Abane Ben El Khalifa Thalith Nourine Ben Sahabi El Jalil Othman Ibnou Affane Ben Abi El Aas Ben Omia Ben Abdechemess Ben Abd Manofe. Voici en gros toute la filiation de notre illustre cheikh Mohamed Belekbir qui remonte jusqu’au calife Othman. D’ailleurs, tous les membres de sa famille sont reconnus pour leur légendaire hospitalité. Nous allons le découvrir un peu plus loin. A partir de 1948, lorsque le cheikh s’installe à Adrar pour diriger la grande mosquée, il entame la création d’une école coranique mitoyenne à l’édifice des prières et ce, grâce aux dons généreux de quelques bonnes âmes. Puis, en 1950, fut construit le logement destiné à accueillir la famille du cheikh qui se trouvait à Bouda. Une fois sur place, les membres de sa famille s’empressent de s’occuper des tâches ménagères multiples et quotidien-nes : restaurants des apprenants du Coran et autres. Il n’y avait pas de budget ou de subvention pour subvenir aux besoins sans cesse grandissants des étudiants qui venaient de partout, le bouche-à-oreille ayant fait son effet. Le cheikh avait recours à la récolte de son propre champ de Bouda pour nourrir tout ce beau monde. Certes, les dons de quelques bienfaiteurs ne manquent pas mais demeurent précaires et insuffisants, surtout en cette période coloniale où l’on voyait d’un mauvais œil la prolifération des écoles coraniques ou des medersas comme on les appelait. Ceci n’empêchait nullement le cheikh de continuer à œuvrer efficacement par les cours dispensés et à subvenir également à leurs besoins, car certains arrivaient complètement démunis. Les cours étaient gratuits et personne n’était obligé de verser quoi que ce fût. Ainsi, durant toute cette période jusqu’aux années 1990, le cheikh continuait inlassablement son travail de professeur, de père spirituel, de guide et de sage. Son emploi du temps était tout simple. Depuis la prière du fedjr à la prière du doha, son temps, il le passait à la mosquée puis se rendait à la salle réservée aux invités où il prenait son petit-déjeuner et recevait les nouveaux adeptes. De nouveau, ce sont les cours à dispenser et ainsi durant toute la journée, cours, prières, etc. Un rite immuable que garda ce saint homme durant des décennies au service de Dieu. Une aubaine pour ceux qui ont la chance et l’honneur de le connaître, de l’approcher. La mosquée où a toujours vécu cheikh Belekbir, personnage charismatique et influent dans la région, vient d’être rasée au profit d’un édifice plus imposant et plus spacieux. Des explications sont fournies révélant ainsi les causes de cette démolition. Devenus vétustes les piliers qui soutenaient cette construction présentaient des dangers d’effondrement. La toiture aussi souffrait de fissures qui pouvaient mettre la vie des pratiquants et des apprenants de l’école coranique en danger. Une année entière aurait fallu pour décider de la conception de la nouvelle mosquée ou collaboration avec des personnalités influentes de la sphère religieuse. Sa superficie est de 4000 m2 dont 3 300 m2 bâtis. Sa capacité d’accueil est de 4000 fidèles. L’enveloppe retenue pour sa réalisation est évaluée à près de 40 milliards de centimes. Aujourd’hui, cette mosquée est un véritable monument, une merveille architecturale qui se fond dans le paysage et qui suscite l’admiration et l’émerveillement de tous. Une fraîcheur agréable vous accueille une fois à l’intérieur de cette enceinte. On a envie de rester plus longtemps en se vouant totalement à la lecture de versets coraniques comme c’est le cas dans toute la région. Le fils du cheikh, Hadj Abdellah, a pris la relève et s’acquitte admirablement de la continuité de la zaouia. Aujourd’hui, la ville d’Adrar commémore l’anniversaire de la mort du Saint cheikh Belekbir que Dieu ait son âme, fondateur de la grande zaouia de Touat. Le cheikh a quitté ce monde en 2000, à l’âge de 89 ans, plus précisément le 15 septembre 2000. Une grande selka doublée d’un riche programme religieux sont célébrés chaque année, attirant une foule des quatre coins du pays et même de pays frontaliers, malgré une chaleur écrasante. Toutes ces personnes vouent une reconnaissance absolue au cheikh, leur père spirituel, apportant offrandes et dons. Le cheikh est mort à la suite d’une longue maladie qui a entraîné l’amputation de sa jambe. Durant toutes ces années, le cheikh a formé de grandes personnalités religieuses avec comme thème principal la paix, la tolérance et le pardon. Son autre fils, actuellement au Caire pour des études de théologie, reviendra au bercail suivre les traces de son père. Le cheikh a vécu de 1911 à 2000, soit 89 ans, qui lui ont permis de former des enseignants du Coran éparpillés à travers le territoire national et même à l’étranger.
             

Reggane s’en souvient : il y a 55 ans, «Gerboise Bleue»…



Dans les années 1950, 1960 et 1970 ,nous avons assisté un peu partout dans le monde à
 l’explosion de bombes atomiques qui sortaient de terre comme des champignons, sans pour autant oublier les ratés mémorables de tirs nucléaires souterrains, qui ont donné lieu à des contaminations radioactives alarmantes. Pierre Messmer fut ministre des armées entre 1960 et 1969 à l’époque où la France procéda à son tour, à ses premiers essais nucléaires dans le Sahara algérien (bombes au plutonium et à uranium ).
Le roman de la bombe atomique à Reggane
Dès l’origine ,les études et les travaux qui ont abouti à l’édification de la base atomique de Reggane, furent entourés des plus hermétiques des secrets. On comprend pourquoi. Non pas que les atomiciens civils et militaires aient pu espérer cacher au monde qu’ils élaboraient une bombe atomique. Cette discrétion ne présentait aucun intérêt, car tous les spécialistes savaient que l’aboutissement de la construction de piles serait la bombe .
A ces divers points de vue, Reggane présentait un bon choix ; autrefois ,simple petite oasis sur la piste saharienne entre Béchar et Adrar. Le génie militaire y creuse de nombreux puits. Une longue falaise qui en borde le flanc nord se prête à l’implantation de l’aérodrome et au percement de galeries souterraines servant de magasins et de dépôt. A 70 km de Reggane, un centre fut aménagé à El -Hamoudia. Il est constitué d’un blockhaus en ciment percé de hublots qui servira d’abri aux atomiciens et contiendra leurs appareils. C’est là que l’explosion de la première bombe atomique a été télécommandée le 13 février 1960 à 7 heures du matin .Durant la période allant du 13 février 1960 au 25 avril 1961 ,l’armée coloniale a procédé à quatre tirs aériens dont le plus important fut celui de Gerboise bleue. Ce tir a eu un retentissement particulier puisque ses retombées radioactives ont été signalées même dans quelques états africains tels que le Mali, le Soudan et le Sénégal. Les responsables en place à l’époque reconnaissent qu’il y a eu des incidents et des accidents avec de fortes doses de radiatigons suite à ces explosions. Malheureusement, aucun scientifique politique ne veut reconnaître qu’il y a un lien de cause à effet entre les victimes de cancer .
Ce premier essai ‘Gerboise bleue’ est effectué sous la présidence de Charles de Gaule .Toutefois ,c’est au début d’avril 1958 que Felix Gaillard, Premier ministre sous la présidence de René Coty ,décide que ce premier essai ait lieu au début de l’année 1960 et que le site de test sera localisé au Sahara . A 180 km d’Adrar, plus précisément à Foumlekhneg, on décida alors de dévier l’oued ‘Messaoud’ ,le nourricier de son cours afin d’éviter d’éventuelles crues qui pourraient retarder ou perturber le projet de la construction du site de la bombe atomique sachant que ce oued pouvait ,en cas de fortes pluies ,parvenir jusqu’à Reggane.

Qu’en est – il aujourd’hui ,55 ans après l’explosion ?

Les répercussions de l’onde de choc et du flash thermique suscitent encore, aujourd’hui ,partout de très vives réactions d’hostilité .Les rares survivants de cette agression française au Sahara racontent que la flore ,la faune et les hommes ont beaucoup souffert traînant irrémédiablement des séquelles visibles encore de nos jours. L’ un d’eux s’est confié : La terre, jadis fertile, connaît une baisse dans le rendement et le palmier-dattier subit lui aussi des transformations .Le niveau de la nappe phréatique a diminué. Reggane était une belle oasis. Et quand le vent souffle de l’ouest à la période des semences ,il engendre des désagréments à l’agriculture. Les personnes, elles aussi ,qui vivent encore ,connaissent des difficultés respiratoires, une hypertension et, parfois, des cancers apparaissent .Vu l’importance des séquelles causées par l’explosion ,les membres de l’association ’13 février 1960′ revendiquent une véritable analyse médicale de la population et la prise en charge des soins. On insiste également sur la désinfection des lieux et des espaces où se sont déroulés les essais .La région de Reggane enregistre un grand nombre de malades atteints de leucémie, d’infections ophtalmiques, de multiples cancers de la peau, des poumons et plusieurs autres tumeurs. Les femmes ne sont pas à l’abri de ces séquelles : stérilité, hémorragies internes et aiguës avec de nouveau-nés qui traînent des malformations congénitales. La localité d’el – Hamoudia, lieu de l’impact, ne verra pas une plante pousser sur son sol avant 24000 ans. Les membres de cette association voudraient une reconnaissance de ce malheur engendré par la course effrénée à la possession de la bombe atomique .
Traitement psychothéra-peutique
Le ministère de la Solidarité avait envoyé par le passé des équipes pluridisciplinaires composées de médecins, de psychologues et de sociologues afin de recenser les personnes présentant un handicap physique ou moral suite des conséquences des retombées des derniers essais nucléaires du 13 février 1960. Il s’agit en effet de venir en aide aux familles concernées par cette tragédie ubuesque en leur fournissant des prothèses, et mettant à leur disposition des centres de rééducation et écoles spécialisées afin de bénéficier pleinement des conditions matérielles leur permettant de mener une vie normale. Rappelons que depuis sa nomination, M Madani Fouatih Abderrahmane, wali d’Adrar, a visité le site en insistant sur la maintenance du périmètre de sécurité et à la consolidation de la clôture mise en place afin d’éviter au maximum les effets radioactifs encore existants.
Une clôture de plus de 3000 mètres, formée de piquets et de grillage, genre Zimmerman, a été installée et couvre toute la superficie du lieu d’impact. Soucieux de préserver l’environnement, le wali attache énormément d’importance à ce fléau ,à ses conséquences et apporterait tout son soutien et son aide afin de faire renaître Reggane de ses cendres. Cette bombe atomique fut une étape capitale mais une politique sans grandeur pour la France. Ce constat nous pousse à réfléchir sur l’ambition démesurée des hommes.