samedi 4 juillet 2015

Marchands ambulants de thé.



Si auparavant les locaux réservés à l’usage du téléphone ou ‘taxiphone’ comme on préfère les appeler chez nous pullulaient et chacun y trouvait son compte, aujourd’hui, avec le succès que connaissent les téléphones portables, leur mode de paiement et leur recharge abordable, ces locaux ‘taxiphones’ sont boudés.
En Adrar, ce qui frappe le visiteur ce sont ces multitudes buvettes ambulantes qui poussent tels des champignons.
Avec des moyens de fortune, un brasero (majmer) une théière  quelques morceaux de cartons d’emballage et le tour est joué.
C’est avec ça que je gagne ma vie m’explique Kaddour, un jeune homme du haut de son 1,90cm ; mes courses, je les fais en fin d’après-midi et à partir de 17 heures je m’installe toujours au même endroit auquel mes clients s’y sont habitués.
Ces vendeurs ambulants n’ont pas d’autres occupations et ceci représente leur unique source de revenu. Certains, ont préféré saisir les opportunités offertes par l’Ansej,Cnac Anjem et avec l’accord de prêts octroyés ils se retrouvent à la tête d’une petite entreprise qui leur permet de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles et d’embaucher d’autres personnes :Une aubaine !
Après avoir contracté ce prêt Dieu merci me confie Slimane, ma micro-entreprise marche bien et je n’ai pas à me plaindre, j’économise afin de rembourser progressivement mes dettes.
Certains vendeurs de thé, mieux équipés, possèdent leur propre carriole fixée sur des roulements ou des pneumatiques, le plus souvent des pneus usagés ayant servi. L‘ essentiel est de bouger et ne pas avoir à trainer le matériel. Couvertures, nattes, sucre ; thé, tout un tas d’objets hétéroclites que le vendeur étale à même le sol. Le travail commence tôt le matin .Les arrêts de bus, de taxis sont les plus prisés et chaque habitué des lieux (vendeur) a une place réservée, acquise depuis longtemps et personne n’osera le détrôner
D’autres par contre, recherchent de petits coins ombragés et installent leurs ustensiles. Il faut reconnaitre à certains la qualité de la préparation du thé, un thé mousseux qui vous râpe  la langue. Agrémenté de cacahuète, tant pis pour le régime !il est siroté à longueur de journée et permet d’étancher la soif.
Le soir, la grande place d’Adrar qui se trouve juste en face du siège de l’APC est quasi monopolisée par ces petits vendeurs qui vous attirent et vous allèchent par tout un rituel. Nattes, couvertures étalées à même le sol font le bonheur des dégustateurs, toujours nombreux à chercher un coin et converser avec des amis
Vous allonger et vous détendre vous fait rêver et la nostalgie du bled, surtout pour ceux qui viennent de loin car la séparation d’êtres chers est parfois pénible, ressurgit et finit par s’estomper.
La préparation du thé obéit à certaines règles, d’bord disposer de deux théières, la dextérité fera le reste. Faire une décoction dans la première puis après le temps imparti selon l’œil averti du préparateur, transvaser  le liquide dans la seconde puis sucrer et servir ;la menthe sera ajoutée la deuxième fois.
Pugnaces et immarcescibles, ils sont là été comme hiver sans broncher en adoptant une attitude éclectique  qui fait d’eux des personnes impétueuses.  

LUTTE CONTRE LA DESERTIFICATION .



Le 17 juin a été choisi par l’assemblée générale des nations unies pour rappeler la date de l’adoption de la convention de lutte contre la désertification, le 17 juin 1994.
L’Algérie a ratifié cette convention en mai 1996 par décret présidentiel .Ceci représente l’engagement ferme de notre pays  à intégrer la lutte contre la désertification dans ses politiques de développement.
La journée mondiale de lutte contre la désertification est une occasion de se pencher sur les causes et les conséquences et de ce fléau et de montrer solidaires envers les populations directement touchées.
La désertification et la sècheresse compromettent le développement durable en raison de la relation existante entre ces phénomènes et d’importants problèmes sociaux comme la pauvreté, la mauvaise situation sanitaire, nutritionnelle et l’insécurité alimentaire.
De cela découlent de migrations et des déplacements des populations.
Les humains vivant dans les zones touchées ou menacées par la désertification sont au centre des préoccupations de cette communauté.
La wilaya d’Adrar n’échappe pas à ce phénomène et il faudrait lutter contre la désertification et atténuer les effets de sècheresse grâce à des mesures efficaces à tous les niveaux.
Il s’agit en effet d’intégrer les programmes d’action nationaux comme développement durable et adopter une approche intégrée aussi visant les aspects physiques, biologiques et socio-économiques car la dégradation des terres dans ces zones arides engendrent des variations climatiques.
Il faut rappeler que 110 pays à travers le monde soit le 1/5 de la population sont touchés ou menacés par la désertification ainsi que 1/4 de la superficie des terres émergées soit 5,2 milliards d’hectares.
La désertification coute 42 millions de dollars par an .La moitié de cette somme suffirait pour remettre en état les zones dégradées.
En Algérie, 200 millions d’hectares sont occupées par le Sahara dont 20 millions sont touchées par la désertification,12 millions par l’érosion hydrique et 3 millions d’habitants concernés directement .
Les conséquences sont nombreuses :de l’appauvrissement généralisé des sols à la baisse de leur fertilité et à leur stérilisation .
L’envahissement dunaire prend de l’importance et on enregistre un exode rural de la population.
Il est grand temps de lutter efficacement contre ce fléau (désertification) par la remise en état des terres partiellement dégradées et d’initier la restauration des sols désertifiés.
Il faudrait aussi prendre en considération la reconstitution des massifs forestiers, la plantation d’arbres et d’arbustes fourragères, la mobilisation de la ressource en eau par le forage de puits et captage des sources, des aménagements de pistes et la protection des périmètres agricoles.
Conformément à l’article 09 de la convention de la lutte contre la désertification, l’Algérie élabore son plan d’action national de lutte par la préservation des ressources naturelles et la participation des populations concernées.

LES IRRADIES DE REGGANE !


Dans les années  1950, 1960 et 1970 ,nous avons assisté un peu partout dans le monde à l’explosion de bombes atomiques qui sortaient de terre comme des champignons sans pour autant oublier les ratés mémorables de tirs nucléaires souterrains qui ont donné lieu  à des contaminations radioactives alarmantes .
Pierre Messmer fut ministre des armées entre 1960 et 1969 à l’époque où la France procéda à son tour à ses premiers essais nucléaires dans le sahara algérien (bombes au plutonium et à uranium ).
Le roman de la bombe atomique à Reggane .
Dès l’origine ,les études et les travaux qui ont abouti à l’édification de la base atomique de Reggane furent entourés des plus hermétiques des secrets .On comprend pourquoi .Non pas que les atomiciens civils et militaires aient pu espérer cacher au monde  qu’ils élaboraient une bombe atomique .Cette discrétion ne présentait aucun intérêt car tous les spécialistes savaient  que l’aboutissement de la construction de piles serait la bombe .
A ces divers points de vue ,Reggane présentait  un bon choix ;autrefois ,simple petite oasis sur la piste saharienne entre Béchar et Adrar.
Le génie militaire y creuse de nombreux puits .Une longue falaise qui en borde le flanc nord se prête à l’implantation de l’aérodrome  et au percement de galeries souterraines servant de magasins et de dépôt .
A 70 kms de Reggane ,un centre fut aménagé à El –hamoudia .Il est constitué d’un blockhaus  en ciment percé de hublots qui servira d’abri aux atomiciens et contiendra leurs appareils .
C’est là que l’explosion de la première bombe atomique sera télécommandé le 13 février 160 à 7 heures du matin .
Durant la période allant du 13 février 1960 au 25 avril 1961 ,l’armée coloniale française a procédé à quatre tirs aériens dont le plus important fut celui de ‘gerboise bleue’.
Ce tir a eu un retentissement particulier puisque ses retombées radioactives ont été signalées même dans quelques états africains tels que le Mali ,le Soudan et le Sénégal.
Les responsables  en place à l’époque reconnaissent qu’il y a eu des incidents et des accidents  avec de fortes doses de radiations suite à ces explosions .Malheureusement, aucun scientifique politique ne veut reconnaitre qu’il y a un lien de cause à effet entre les victimes de cancer .
Ce premier tir ‘gerboise bleue’ est effectué sous la présidence de Charles de Gaule .Toutefois ,c’est au début d’avril 1958  que Felix Gaillard ,premier ministre sous la présidence de René Coty ,décide que ce premier essai ait lieu au début de l’année 1960 et que le site de test sera localisé au sahara .
A 180 kms d’Adrar, plus précisément à  Foum lekhneg, on décida alors de dévier l’oued ‘messaoud’ ,le nourricier de son cours afin d’éviter d’éventuelles crues qui pourraient retarder ou perturber le projet de la construction du site de la bombe atomique sachant que cet oued pouvait ,en cas de fortes pluies ,parvenir jusqu’à Reggane .
Qu’en est – il aujourd’hui ,55 ans après l’explosion ?
Les répercussions de l’onde de choc et du flash thermique suscitent encore aujourd’hui ,partout de très vives réactions d’hostilité .Les rares survivants de cette agression française au sahara racontent que la flore ,la faune et les hommes ont beaucoup souffert trainant irrémédiablement des séquelles  visibles encore de nos jours .
L’ un d’eux s’est confié :’la terre ,jadis fertile ,connait une baisse dans le rendement et le palmier dattier subit lui – aussi des transformations .Le niveau de la nappe phréatique a diminué .Reggane était une belle oasis .
Et quand le vent souffle de l’ouest , à la période des semences ,il engendre des désagréments à l’agriculture .Les personnes elles – aussi ,qui vivent encore ,connaissent des difficultés respiratoires ,une hypertension et parfois, des cancers apparaissent .
Vu l’importance des séquelles causées par l’explosion ,les membres de l’association ’13 février 1960’ revendiquent une véritable analyse médicale de la population et de la prise en charge des soins .On insiste également sur désinfection des lieux et des espaces où se sont déroulés les essais .La région de Reggane enregistre un grand nombre de malades atteints de leucémie ,d’infections ophtalmiques ,de multiples cancers de la peau ,des poumons et plusieurs autres tumeurs .
Les femmes ne sont pas à l’abri de ces séquelles :stérilité ,hémorragies internes et aigues avec de nouveaux nés qui trainent des malformations congénitales .
La localité d’el – hamoudia ,lieu de l’impact , ne verra pas une plante pousser sur son sol avant 24000 ans .
Les membres de cette association voudraient une reconnaissance de ce malheur engendrée par la course effrénée à la possession de la bombe atomique .
Traitement psychothérapeutique :
Le ministère de la solidarité avait envoyé par le passé des équipes pluridisciplinaires composées de médecins ,de psychologues et de sociologues afin de recenser les personnes présentant un handicap physique ou moral suite des conséquences des retombées des derniers essais nucléaires  du 13 février 1960.  Il s’agit en effet de venir en aide aux familles concernées par cette tragédie ubuesque en leur fournissant, prothèses ,centres de rééducation et écoles spécialisées afin de bénéficier pleinement des conditions matérielles leur permettant de mener une vie normale .
Rappelons que depuis sa nomination ,Mr Madani Fouatih Abderrahmane,le wali d’Adrar,a visité le site en insistant sur la maintenance du périmètre de sécurité et à la consolidation de la clôture mise en place afin d’éviter  au maximum les effets radioactifs encore existants .Une clôture de plus de 3000 mètres ,formée de piquets et de grillage ,genre Zimmerman  couvrant toute la superficie du lieu d’impact .
Soucieux de préserver l’environnement ,le wali  attache énormément d’importance à ce fléau ,à ses conséquences et apporterait tout son soutien et son aide afin de faire renaitre Reggane de ses cendres .
Cette bombe atomique ut une étape capitale mais une politique sans grandeur pour la France .Ce constat nous pousse à réfléchir sur l’ambition démesurée des hommes .

Le 5 juillet 1962 en Adrar.


Si la date du 5 juillet 1962 remonte à plus d’un quart de siècle, plus précisément à 53 ans, elle est immuable et reste gravée dans ma mémoire nous confie K.Kabouya .Certes j’étais encore jeune à cette époque mais je m’en souviens encore aujourd’hui dans les moindres détails
Les préparatifs ont commencé très tôt, depuis le mois de mars : chants patriotiques à fredonner, défilés dans les règles de l’art et chacun y mettait du sien La bonne ambiance régnait et nos guides et encadreurs prenaient leur travail très au sérieux se montrant méticuleux, persévérants et pleins de pugnacité et d’enthousiasme.
Il s’agit de célébrer le premier jour de notre indépendance, du recouvrement de notre liberté, de notre dignité nous martelait sans cesse les personnes chargées de notre entrainement. Le chef de file , de sa voix rauque, de stentor qui portait très haut et qui déclenchait crainte, respect et soumission, revenait chaque fois à la charge ,’ je ne veux pas de rangs déformés ou en zigzags ;je veux une seule ligne droite ,allez au pas et on ne traine pas, on ne badine pas avec moi  ‘.
Ces trois mois nous paraissaient presque interminables car ce qu’on voulait, c’était parader libres, la tête haute, sans peur et sans reproche.
Ca durait du petit matin jusqu’au soir avec une pause l’après-midi et vite l’entrainement reprenait de plus belle.
Rappelons pour souligner cette page de l’histoire que l’électricité n’existait pas et  seul  un groupe électrogène alimentait quelques foyers du centre-ville du crépuscule à 23 heures ou minuit  selon la bonne humeur de ce groupe qui faisait parfois des siennes. Durant la journée, pas d’électricité donc pas d’eau fraiche, pas de fraicheur, rien ! Mais ce qui nous stimulait, nous encourageait c’était cette fameuse journée du 5 juillet 1962 qui allait sonner le glas et marquer l’histoire de notre pays, l’Algérie, une Algérie symbole du sacrifice de tout un peuple, de toute une population dont une grande partie fut décimée, torturée, massacrée, assassinée par cet envahisseur sans foi ni loi.
 5 Juillet  1962 en Adrar, une journée pas comme les autres.
La veille de ce 5 juillet 1962, on nous avait distribué des tenues blanches avec un calot et le rassemblement était fixé le lendemain devant l’ancienne école de filles qui existe toujours .Sept heures du matin ,
nous  étions tous massés là ?nous confie Kabouya ,avec les interminables retouches de notre chef qui force l’admiration de tous « arrange bien ton col de chemise « crie –t-il à celui-là ajuste cette mèche rebelle et tiens –toi droit .Aujourd’hui est un grand jour pour  nous ,pour notre patrie et pour l’Algérie toute entière ,alors soyons sérieux .Les troupes folkloriques   présentes à ce grand événement donnaient le ton et sous le son des ‘bendir et aghlal’ s’activaient  faisant vibrer cette foule en liesse qui criait à tue –tête ‘Al jazair horra moustakilla’.
Le défilé commence et le cortège s’ébranle en direction de ‘souk eddinar’, lieu actuel du centre –ville. .Femmes de tous âges, enfants adultes venus des ksour avoisinants l’accompagnaient .Les you-you fusaient de partout et malgré une chaleur lourde, pesante et écrasante personne ne se dérobait, tous voulait assister à cette manifestation qui célébrait l’indépendance d’un pays qui panse encore ses blessures et qui enterre encore ses morts.
Effectivement précise Kabouya ,je faisais partie du défilé et on devait marcher droit, relever la tête et chanter sous l’œil vigilant du chef ,intraitable ,immarcescible qui n’accepte pas que quelqu’un se fourgue de lui .
Le soleil au-dessus de nos têtes martyrisait la terre puisque le bitume n’existait pas et la sueur qui dégoulinait sur nous inondait  nos petits corps frêles qui refusaient d’abdiquer et d’abandonner. Le chant en cœur reprenait le dessus et la fatigue, la sueur finissaient par s’estomper : notre esprit et notre volonté ont fini par triompher car les applaudissements des gens agglutinés sur les côtés nous encourageaient et nous poussaient à chanter de plus en plus fort.
Nous paradons depuis plus de trois heures, nous sommes complètement avachis, exténuées et déhydratés.Heureusement pour nous, une sexagénaire qui habite peut-être dans les parages arrive, munie d’une ‘guerba’ sorte d’outre confectionnée à partir de peaux de chèvres, qui conserve l’eau fraiche nous abreuve de ce précieux liquide à l’aide d’un broc en argile .Cette eau bénéfique dont l’effet est immédiat nous fait du bien et nous permet de reprendre des forces : une véritable aubaine inattendue. Les plus malins se mouillaient la tête avec quelques gouttes.
La parade reprend et nos magnifiques tenues blanches ont perdu de leur éclat, entaché de sueur et de poussière.
A midi, tout ce beau monde prend  une pause et se donne rendez-vous en fin d’après-midi.
Aux environs de 18 heures, la relève de nos jeunes qui ont paradé toute la matinée est assurée par des troupes folkloriques où le ‘zemmar’, les percussions des ‘aghlal et bendir’ annoncent la couleur .Tout de blanc vêtus, fusils en  bandoulière,ils  dansent sous le rythme effréné des percussionnistes qui s’en donnent à cœur joie ,soulevant admiration et ovation de la part des spectateurs qui scandaient ‘tahya el djazair !’
Certains n’ont pas hésité à se joindre aux danseurs et cette euphorie gagne tout le monde qui se met à danser, chanter ; puis dans un vacarme assourdissant les hommes font parler la poudre de leurs fusils qui enveloppent les assistants dans un grand nuage de poussière et de fumée .Le bonheur, la gaieté se lisent sur les visages radieux qui ressentent cette fierté, cet engouement qui font d’eux des Hommes libres.


Une journée pas comme les autres ,une journée mémorable qui allait marquer à jamais nos esprits car l’histoire retiendra que le prix à payer est très lourd ,plus d’un million et demi de  ‘chahid’ de veuves ,d’orphelins ,de disparus ,de mutilés ,d’handicapés ,de personnes qui portent encore les marques ,les traces du passage du colonialisme ,ne l’oublions pas et gardons le  toujours en mémoire .
Il y a assez sur la surface de la terre pour le besoin de chacun mais pas pour la cupidité de tous .Puissions –nous simplement vivre pour que les autres puissent vivre aussi sereinement dans la quiétude, la paix et la liberté.
Le soir ,tout  ce beau monde se retrouve assis à même le sol autour d’un grand plat de couscous que les citadins en étroite coordination ont décidé de restaurer ces participants venus de loin car le bouche à oreille a déjà fait son effet ,la radio ‘fouggara’ comme l’appellent les Adrari .Après avoir fait ripaille,
le thé va couler à flot et le spectacle perdure jusqu’à une heure tardive de la nuit à la lumière des étoiles et de la lune  qui se sont invitées à cette soirée ,sans doute pour donner plus de gaieté ,de couleur ,à cette immense fête de notre indépendance .

La pauvreté sonne le glas !



En parcourant les régions arides d'Adrar,le visiteur se rend compte que les démunis sont nombreux et parviennent difficilement à joindre les deux bouts .Entre la rentrée des classes ,la facture d'électricité ,les dépenses alimentaires ;certains pères et mères de famille se retrouvent confrontés à un véritable dilemme ,celui de faire un choix ,entre l'achat des fournitures scolaires et la nourriture .Un choix difficile à assurer car il faut bien que les enfants mangent !
Voir des enfants déambuler dans les rues d'Adrar n'a rien d'étonnant ,ils sont souvent à la recherche de petits travaux ,vente à la criée ,plongeur dans une gargote ,en vue de dénicher quelques sous qui seront bien gérés par les parents .Ces petits garnements se lèvent tôt le matin au même titre que les adultes ,parfois à quatre heures du matin ,les yeux encore rougis par un manque de soleil flagrant ,un tee-shirt usé fait office de vêtement car ce qui compte vraiment ce sont les sacs à transporter du gros camion vers la camionnette du vendeur .Nous sommes au marché du gros des fruits et légumes .Il faut faire vite ,la concurrence est rude et il ne faudrait surtout pas montrer une faiblesse ou défaillance quelconque ,oser relever le défi ,assumer et assurer coûte que coûte sans broncher,sans laisser percer le moindre petit signe de fatigue ,synonyme de renvoi éventuel.
Dure est la vie pour ces jeunes enfants qui n'ont pas le temps de jouer comme leurs pairs .
D'autres sont affectés à des taches plus rudes .Nettoyage du restaurant ,épluchage des légumes généralement des pommes de terre qui serviront de friture plus tard .Les premiers clients sont là à partir de onze trente et le patron n'aime pas les faire attendre .Durant la matinée ,nos jeunes essuient souvent des injures et font souvent l'objet de reproches véhéments qu'ils acceptent car ils n'ont guère le choix ,travailler ou déguerpir et plus de sous .
Certains sont là au niveau du marché des fruits et légumes depuis les premières lueurs du jour ,vente à la criée en essayant de convaincre des clients récalcitrant à cause des prix pratiqués et qui ne reflètent nullement la qualité des produits exposés ,souvent  ramollis par un soleil cuisant .
On retrouve des gamins engagés comme apprentis dans les salons de coiffure ,dans les garages de mécaniques où la tenue du matin ne ressemble plus à celle du soir ,pleine de cambouis que la maman peine à laver .
Et quand vient enfin l'école ,le scénario se reproduit .Certaines taches pour ceux qui ont la chance de travailler dans un café ,sont effectuées tôt le matin .Vite ,il faut avaler quelque chose et un quignon de pain et rejoindre en courant l'école .Deux ou trois cahiers sont enfouis au fond du cartable ,souvent en piteux état  ,un tablier auquel manque un bouton .Pour la couleur on n'a guère le choix ,bleu ,blanc ou vert ,l'essentiel c'est de le fournir .
Parfois ,le père est convoqué pour des raisons de retards attribués au travail du café ,mais il faut faire avec .
En attendant ,la vie continue ,les journées s'éclipsent pour des jours peut-être meilleurs .

La mendicité bat son plein .


Une particularité qui frappe le visiteur ,guère habitué à ce genre de spectacle :ce sont ces enfants d’immigrants maliens et syriens qui arpentent sans cesse les avenues et les ruelles de la ville d’Adrar ,allant jusqu’à vous tirer par les pans de votre chemise ou de votre veste afin de vous soutirer quelques pièces ,voire un billet .
Faire la manche  ,demander l’aumône  a créé une certaine audace poussant la perfidie de ces jeunes enfants et jeunes filles en particulier à engager des conversations ,des plaisanteries ,pour eux ,peut-être anodines ,mais qui pourraient avoir des conséquences ,des répercussions dramatiques ,sachant pertinemment ,que les prédateurs  guettent le moindre faux pas .
Jeunes, moins jeunes , adultes ,,tous ces réfugiés n’ont qu’une seule chose en tête ,sans doute poussés et encouragés   par leurs parents ,glaner et rapporter  des sous  ,coute que coute .
Les différents coins  et recoins des marchés, des gares routières leur servent d’abris provisoires et potentiels  qui les protègent de la chaleur  car la température  n’est guère clémente ces jours -ci  ; même  le soir ,il fait chaud ,pas moins  de trente degrés  .
Pour se couvrir ,des couvertures de fortune remises par des bienfaiteurs ,des cartons d’emballage ramassés dans la rue et pour se réchauffer ,des palmes ,des morceaux de bois ,des copeaux  sont  récoltés à droite et à gauche ,pour la préparation des repas  et accéder à un semblant de chaleur .
La nuit va être longue et la chaleur  aussi et il faudrait penser au lendemain .
Devant  les boutiques les magasins, c’est de nouveau une course folle parmi les passants qui daignent bien leur donner des sous  ou leur acheter une baguette de pain  ou un kilo de riz. Chaque fois qu’une voiture s’immobilise, c’est à qui l’appréhendera le premier .Vite, il faut courir et se droper pour essayer de parler au conducteur avant qu’il ne démarre.
Souvent, ces enfants reviennent bredouilles, essuyant parfois des paroles acerbes et véhémentes qui les acceptent sans broncher car pour eux, les sous ont plus de valeur au-delà de la dignité, du moins à leurs yeux, car pour eux, c’est un véritable dilemme : accepter ces offenses, ces frustrations dans le seul but de ramener de quoi manger.
Malgré le froid ,la chaleur , ils seront toujours là ,arpentant ,courant ,risquant leurs vies à chaque instant  .
Ces réfugiés pour la plupart ,démunis de toute ressource ,attendent la délivrance qui tarde à venir .

Hadj ,le vendeur de thé.(PORTRAIT)



En Adrar pour le visiteur non averti, il pourrait peut-être être surpris par ces petits vendeurs de thé éparpillés à travers la ville.
Certains préfèrent la journée pour s’installer tout près des stations de bus .Equipés de charrettes afin de transporter leur matériel, ils rendent d’énormes services aux passagers éventuels et aux autochtones, parvenant ainsi à arrondir les fins souvent difficiles.
Ce sont de véritables buvettes ambulantes !
D’autres guettent la fraicheur nocturne et le coucher du soleil pour monopoliser la grande place de la ville .
Des tapis sont étalés à même le sol et les clients, ravis, s’allongent, sirotant un thé mousseux tout en grignotant quelques cacahuètes, histoire de tuer le temps.
Hadj Slimane est l’un de ces vendeurs .Les cheveux et la barbe grisonnants, Hadj possède lui-aussi sa propre charrette qu’il a confectionnée afin de faciliter ses déplacements.
Théière ,brasero (majmer métallique )verres ,thé ,sucre sont là. Hadj est déjà prêt juste après la prière du ‘sobh’ et sa place immuable lui est réservée et personne n’osera le détrôner .Connu et respecté de tous ,Hadj ,un sexagénaire ,au pas vif et alerte n’en finit par d’étonner par sa vivacité, sa dextérité et son respect pour autrui .
Notre vendeur est le père de huit enfants dont la moitié s’est mariée (toutes des filles ) et le soir ,de retour au gite ,c’est la joie de retrouver ses petits enfants dont les éclats de rire lui font oublier la fatigue de la journée .Il faut préciser que deux de ses filles sont divorcées et vivent sous le toit paternel avec leur progéniture .
Ce boulot (vente de thé) lui permet quand même de gagner quelques sous et sa manière de gérer l’aide énormément .Dans son accoutrement (gandoura et cheche )Hadj tire chaque jour sa charrette parcourant inéluctablement le même chemin ,matin et soir ,sans pour autant se conspuer .
Son programme n’est pas impromptu et sa pugnacité n’est plus à démontrer .Il a l’habitude des vaches maigres et souvent, en homme généreux, il se permet d’abreuver démunis qui rodent dans les parages .Comme quoi, un simple geste aurait une signification .
Hadj ,personnage éclectique a beaucoup appris de la vie et rien ne parvient à le mettre en boule .Aucune expression ubuesque ,aucune turpitude ne viendront ternir l’image de ce personnage cartésien dont les récits colportés de bouche à oreille vous soulagent et vous déstressent et vous apprennent les valeurs fluctuantes de la vie .
Sa santé ,Hadj la tient de la marche et de son refus catégorique de se soumettre aux médicaments .Leut prise est rare et une bonne hygiène alimentaire vous met à l’abri de surprises et de désagréments liés à la santé .
Et le thé  ,cette décoction qui mijote sous les braises vous râpe la langue et tonifie le corps .D’ailleurs ,le thé est connu pour ses nombreuses vertus .Outre son pouvoir astringent et antiseptique ,le thé doit ses qualités à la présence de flavonoïdes antioxydants dont l’action serait quatre fois supérieure à la vitamine C.
Il favoriserait, lorsqu’il est vert  ,la prévention de certains cancers et des maladies cardiovasculaires .
Avec quatre petites calories par tasse seulement ,si on le boit sans sucre ,il n’a donc pas usurpé sa réputation de ‘breuvage de minceur ‘.
Très pauvre en sodium ,le thé est autorisé au cours d’un régime sans sel,mais attention ,comme toute bonne chose ,il faut le consommer avec modération .Et si vous ne l’appréciez pas comme boisson ,utilisez –le pour rincer vos cheveux qui s’illumineront ensuite de magnifiques reflets cuivrés .Ainsi ,le thé confère des vertus stimulantes sur les plans physique et intellectuel.
Revenons à notre vendeur .Hiver comme été ,Hadj est omniprésent .Assis à même le sol ,sa manière de préparer ce savoureux élixir révèle tout l’art de cet homme .Il ne quitte son repère que pour faire ses ablutions et aller prier dans la mosquée du coin :ça ne badine pas !Hadj est à cheval sur ce principe ,il est imperturbable .
Quand l’heure sonne, il faut y aller .La confiance règne et tout ce que possède Hadj est laissé à une tierce personne et parfois sans surveillance, le tout recouvert d’une simple étoffe.
Hadj étonne et continue d’étonner .Il est là aujourd’hui, il y sera peut-être demain .Il n’est nullement lanciné par le côté matériel et les sous qui ne sont pas là maintenant le seront demain.
Hadj, personnage lunatique et sporadique à la fois mérite notre admiration.