lundi 22 juin 2015

Adrar : récit d’une Omra !

Lorsqu’on nous annonce l’accord de notre inscription pour l’accomplissement d’une ‘Omra, on n’ y a pas cru, parce qu’auparavant le doute persistait. Imaginez Adrar, La Mecque, une sacrée distance. Le départ est imminent et tout un dossier à fournir en plus du passeport, une condition obligatoire pour la candidature.

Dossiers solidement ficelés ,ils furent remis au premier responsable des œuvres sociales, qui nous précise qu’il ne faudrait surtout pas badiner avec la vaccination , acheter le carnet et procéder au change auprès de la banque :130 euros pour 15 000 DA.
Une fois toutes ces formalités accomplies, restent les bagages à préparer : vêtements et un second sac réservé aux ustensiles de première nécessité : cafetière, théière, marmite, quelques légumes et surtout dattes, thé, sucre et j’en passe. Certains emportent même de la viande séchée.
Il faut aussi songer à laisser des provisions aux enfants, pour les couples et s’accorder à asseoir des règles bien distinctes à appliquer.
Après quelques jours de répit, sous un soleil de plomb, ‘ramadhan’ sonne à nos portes et il faut changer son régime alimentaire, ses horaires de repos, ses habitudes et dire au revoir au bon sommeil qui, va nous manquer et ses traces se liront sur les visages aux yeux cernés.
Un mois de piété, de pardon, de clémence et de soumission, mais dans les marchés, c’est la flambée des prix, la valse des étiquettes.
Revenons à notre périple. Avant d’atteindre Alger, la capitale, il est nécessaire de passer par plusieurs étapes. D’abord la ville de Béchar, ville cosmopolite où la circulation routière à l’intérieur du tissu urbain est pénible contraignante ; un vrai casse-tête chinois qui vous rend dingue : une seule voie afin de rallier le centre-ville. Et ce phénomène risquerait de perdurer et les habitants en pâtissent.Passé Béchar, direction Oran, capitale de l’ouest algérien. Nous venons de franchir 1300 kms et il reste encore 400 bornes à faire. À la sortie de Saïda, un épais brouillard opaque gêne considérablement la circulation obligeant les automobilistes à allumer leurs feux de position. Brouillard qui n’allait se dissiper qu’à partir de Relizane , passage incontournable pour atteindre la fameuse autoroute. Heureusement l’autoroute Est/Ouest nous facilite le trajet, mais avec les imprudents de la route « ces chauffards » les dépassements à droite, la vitesse excessive on n’est pas encore sorti de l’auberge ! Bien que la vitesse soit limitée entre 80 et 120 kms. certains conducteurs vous dépassent allègrement à des pointes qui frôlent les 160 ,voire 180 kms ! Mais quand les gendarmes sont là, tout redevient normal comme par magie. Au niveau de Blida, l’encombrement se fait terriblement sentir et se faufiler et parvenir à destination de l’aéroport, il faudrait une certaine patience ! Une fois sur place, nous nous retrouvons confrontés face à un véritable dilemme. Pas de chariot disponible à l’extérieur et quand on aperçoit un, il est solidement agrippé par une personne qui vous propose de transporter vos bagages moyennant bien-entendu une somme. Péniblement on arrive devant le premier poste de contrôle où tous les bagages sont systématiquement passés au scanner et nous passagers, nous subissons une fouille corporelle.
Rien n’est laissé au hasard ! Une fois le seuil de cette entrée franchi ,comble de l’ironie ,des chariots bien alignés se trouvent là et en grande quantité. Billets en main ,il faut vite se rendre au guichet numéro un pour l’enregistrement des bagages .Mais quelle fut notre surprise lorsqu’on nous avise du changement de destination. Initialement prévu pour El -Madina ,on se retrouve malgré nous partants pour Djeddah dans un mécontentement général. Retour à la salle d’embarquement, nous passons de fouille en fouille et de nouveau des queues interminables se forment et les gens s’impatientent. Police des frontières, personnel chargé de l’embarquement, douane, toute une panoplie de formalités auxquelles chacun se soumet dans la plus grande discipline.Et encore une autre fouille, cette fois-ci du personnel navigant saouédien. Pas de ciseau, pas de couteau et chacun subit également un contrôle magnétique. Finalement tout ce beau monde dont la plupart porte des gandouras, se trouve à l’intérieur d’un ‘Boeing 777′. Il est 19 heures 59mn quand le commandant de bord annonce la rupture du jeune. Trois dattes sont servies ,une gorgée d’eau et puis RIEN !!! Mais encore une fois, la solidarité des passagers algériens dépasse tout entendement : Dattes ,bourek, pain maison ‘matloue) eau minérale fusent de partout et cet élan eut raison de l’équipage ..Djeddah ,notre destination sera atteinte dans cinq heures environ. Pour le moment, l’avion est en pleine phase de décollage et après quelques minutes ,l’altimètre affiche les 6 000 mètres ,la température a déjà chuté. Vitesse de croisière, 900 kms, température extérieure, moins 49 degrés, altitude, plus de 11000 mètres ! Une visite de cet appareil s’impose. Commençons par les toilettes dont la propreté laisse à désirer .Après une heure de vol, une petite collation nous est servie. Du riz sans viande, des biscuits, un café, jus et c’est tout ! Pour le ‘shour’ chacun se débrouille. C’était sans compter sur le lien qui unissait les passagers : Poulet, fromage , frittes, fruits thé de la nourriture à profusion ; on nourrissait même les hôtesses de l’air !
Une fois gavé, chacun vaque à ses occupations, conversations, lecture de quelques versets coraniques ….
Cinq heures se sont écoulées et on annonce un atterrissage imminent, ceintures de sécurité attachées, ce gros porteur se pose avec quelques frayeurs. L’avion a d’abord glissé sur la droite puis sur la gauche avant de se rétablir. Un ouf de soulagement est poussé par tous une fois l’appareil immobilisé. Une fois dehors, un souffle chaud vous accueille à l’aéroport de Djeddah .Tous les passagers sont orientés vers une grande salle réservée à l’accueil. Drôle d’accueil ! Des queues interminables devant des guichets presque vides où seuls deux ou trois agents vous lancent des regards furtifs, l’air hautain, une attitude narguante qui vous gêne. Quatre heures quarante du matin, c’est l’heure de ‘el imssek’ Rien à l’horizon ! Nous avions sur nous une seule bouteille d’eau minérale qui fut répartie avec parcimonie. Une fois les formalités policières accomplies ,nous nous retrouvions de l’autre côté afin de récupérer nos bagages jétés à même le sol sans aucune surveillance ! Vite ,il faut se dépêcher pour embarquer. Complètement avachis,nous roulons maintenant en direction de ‘el mitak’,à 100kms de Djeddah,pour se purifier et mettre ces fameuses serviettes blanches. De retour de ces ablutions, une fois à l’intérieur du bus ,un saoudien de la compagnie des transports allume une cigarette. Nous sommes restés bouche bée, et lorsque la remarque lui fut faite, il se perd en excuses. Direction La Mecque ,que nous atteignons aux environs de midi trente (heure locale ). Nous sommes éveillés depuis pratiquement deux jours et cette chaleur lourde, pesante et écrasante commence à se faire sentir et la fatigue gagne du terrain. Après une longue attente qui nous paraissait interminable, les clefs des chambres nous sont remises et chacun s’affale en attendant la rupture du jeûne.
Une fois la prière du ‘maghreb’ accomplie, retour à l’hôtel.
Il faut se rassasier, se détendre un peu et filer vers la mosquée ‘el harem’ pour la prière ‘d’el ichaa’. Prière face à la ‘Kaaba’ vous donne la chair de poule et voir ce nombre impressionnant de fidèles venus de pays différents implorer Dieu, demander sa miséricorde, son pardon vous pousse à vous soumettre davantage. Sitôt la prière accomplie, il faut se soumettre et accomplir les rites de la ‘OMRA’. Rappelons que nous portons toujours nos serviettes blanches. Au centre de la mosquée là où se trouve ‘LA KAABA’, un néon vert indique le point de départ. Sept tours, sept circambulations sont nécessaires autour desquels, implorations ,’douaa’incantatoires sont récités et une fois au niveau de ‘MakamSidna Ibrahim’, lever la main droite et prononcer gloire louange au bon Dieu, Allah ouakbar ! Ensuite, c’est le rite de ‘safaoua el marwa’ qui nous attend, deux longs couloirs qu’il faut traverser sept fois avec des ‘douaa’. Une fois au niveau d’une petite lumière verte, une foulée s’impose, pour les hommes seulement ! À la sortie tu bois de l’eau de ‘zam-zam’ ,te couper quelques cheveux afin de pouvoir ôter les serviettes. La ‘Omra’ est terminée. Il est cependant possible de refaire une deuxième en observant certaines règles .Au moment de la rupture du jeûne, des bienfaiteurs installent des toiles cirées et déposent des boites remplies de victuailles : eau, jus, gâteaux, dattes et la demande est sans cesse croissante. L’eau ‘Zamzam’ coule à flot. Fraiche des bonbonnes thermos, elle demeure salvatrice et vous permet de vous désaltérer et d’étancher la soif de la journée oh combien dure et chaude. Seul inconvénient, au départ de la mosquée, pour remplir votre gourde ou votre bidon , l’eau vous est proposée par des jeunes de la ville au prix de 20 ,30 riyals voire plus. .Son transport à l’hôtel, si les jambes vous lâchent, coûte aussi une petite fortune.
UN DîNER À LA SAOUDIENNE
Durant notre séjour ,nous avons fait la connaissance d’un bijoutier saoudien qui a invité à diner chez lui. Rendez-vous est donc pris et il propose de nous y conduire.
Les coutumes changent. Première impression :pas de table ou de ‘meida’ comme chez nous ;une toile cirée est étalée à même le sol sur laquelle sont disposés les couverts. Pas de lait ,d’eau et des dattes. Nous avons insisté afin de respecter la tradition. La ‘samboussa ‘ ,sorte de bourak à la forme triangulaire ,ensuite le ‘khamir’ sorte de beignet sont servis au moment de la rupture du jeûne avec une tasse de café, un café à la couleur jaunâtre et au goût amer qui ne passe pas. Puis une chorba ou soupe défile suivie de verres de jus. À la Mecque ,les gens prennent le temps de rassasier ,un bon petit quart d’heure avant de se lever pour la prière. Au cours de la discussion, le propriétaire des lieux m’apprend que si l’électricité n’est pas chère, il faut compter 150 riyals par mois en pleine saison estivale (4 climatiseurs ,2 frigos ,en plus des autres accessoires )et seulement 60 ou 80 en hiver. La bouteille demeure chère par rapport à notre pays (16 riyals environ )
Le loyer varie entre 1 200 et 1 500 pour un logement mais 3 600 riyals pour un commerce
Après la soupe, c’est la ‘labania’ sorte de flan très apprécié par les enfants et très consommé. L e change parallèle demeure en dents de scies : entre 23 et 30 riyals pour 1000 DA, et entre 540 et 480 pour 100 euros selon le cours du jour bien entendu. La tenue vestimentaire des hommes se compose d’un ‘iqual’ cerceau noir, de la ‘ghotra ‘(châle blanc), ou ‘ chemagh’et la fameuse gandoura blanche .On peut également porter le ‘bichta’ burnous très léger.
EL MADINA ,SES RITES, SES SURPRISES !
Elle se trouve à 440 kms au nord de La Mecque. C’est une ville cosmopolite de différentes ethnies de plus de trois millions d’habitants. Son pôle d’attraction principal demeure bien-entendu la mosquée du prophète Mohamed (qsssl)un véritable bijou architectural qui accueille un nombre impressionnant de fidèles ,un million peut-être voire plus. Sa grande esplanade, une extension qui permet également aux fidèles d’accomplir les prières grâce notamment à la mise en place automatique de parasols géants qui vous protègent des rayons du soleil. Prières, visites guidées font partie du quotidien .Mais quand il s’agit du mausolée du prophète (qsssl)il faut s’attendre à un monde fou.
Une à fois à l’intérieur de la mosquée, des vendeuses ,des vendeurs ambulants vous proposent divers objets hétéroclites, mais gare à la descente de la police qui opère sans pitié et ramasse tout ce qui traine malgré les pleurs et les excuses. Une visite s’impose vers la mosquée de ‘Kouba’où s’acquitter de deux prières équivaut à une ‘Omra, car c’est la première mosquée construite par le prophète Mohamed(qsssl)et pour mieux rafraichir les mémoires ,la chamelle conduite par Sidna Mohamed (qsssl) choisit cet endroit pour s’asseoir et ce lieu fut retenu pour la construction de l’édifice religieux. Puis, direction vers le mont (djebel Ouhoud)théatre de batailles rangées entre les musulmans et les infidèles et mécréants.
RETOUR AU BERCAÏL
Une affiche placardée tout près de l’ascenseur par l’agence de voyage nous informer que le départ prévu pour Djeddah est fixé le jour suivant à deux heures du matin. Encore une nuit blanche ! C’est la ruée .Valises ,cabas disparaissent au fond de gros sacs blancs et rayés ,solidement ficelés .
Les bidons de 10 litres de ‘zamzam’ sont plastifiés, règlement oblige ! Un camion supplémentaire fut affrété pour le transport. Finalement les deux bus s’ébranlent. Difficile de sortir de Médine même à cette heure tardive à cause d’un encombrement de véhicules. Les bus s’élancent et roulent à 80 kms. Nous pensions qu’à ce rythme, le voyage va perdurer, mais une fois sur l’autoroute le chauffeur en gandoura et sandales accélère pour atteindre les 120 kms. Le compteur indique une vitesse maximale de 140 ,elle sera atteinte dans un moment .
4h30 arrêt, ablutions et prière collective
Il est un peu plus de sept heures quand les bus s’immobilisent sur le parking de l’aéroport de Djeddah. Vite il faut courir chercher un chariot et attendre le camion pour charger les bagages Une fois récupérés, la tâche s’annonce ardue et délicate .Toutes les valises seront emmaillotées doivent obligatoirement passer par une machine de plastification moyennant la somme de 20 riyals.
Peine perdue d’essayer de convaincre l’agent ,il faut payer un point c’est tout ! Puis, direction l’enregistrement, un passage redouté par les passagers à cause de l’excédent du poids. Pour un surplus, le prix à payer est de 45 riyals le kilo. Les formalités terminées, c’est l’embarquement à destination d’ Alger la blanche, capitale de notre patrie qui nous a terriblement manqué. Une fois sur place, rebelote il nous reste encore 1300 bornes à se taper !
S. A. T.

Adrar : rites et coutumes du Ramadhan

Oser s’aventurer, ou s’exposer durant la journée dans la région d’Adrar, cette partie de l’Algérie profonde où l’on recense les plus fortes températures (entre 46 et 48 degrés) durant la saison estivale, relève de l’exploit, de la vaillance et du défi. On a l’impression que le soleil qui tape fort est juste au-dessus de nos têtes. Se protéger de ses rayons qui vous transpercent, vous lézardent ne sert à rien, puisque la chaleur torride, lourde, écrasante, mordante, vous serre la gorge, dessèche votre bouche, et mortifie les crânes aussi.
Ceci n’empêche nullement les habitants d’Adrar de jeûner comme tout le monde dans ces conditions difficiles et insupportables et de vaquer à leurs occupations quotidienes. Les traditions ancestrales, ataviques; se perpétuant, ainsi pour l’adolescent, jeûner pour la première fois, fait l’objet d’un rite particulier. Une véritable cérémonie, est organisée. La veille du carême, notre jeune est conduit sur une terrasse, muni d’une glace afin d’observer le croissant. Sitôt ce geste accompli, ses proches se hâtent de lui faire porter des habits neufs .Ce soin est généralement laissé à la grand-mère .
Une gandoura et un «cheche» (turban) d’un blanc immaculé sont choisis pour la circonstance. Puis, autour d’une table garnie de viande grillée et de fruits, l’adolescent se remplit la panse jusqu’à se gaver, en prévision d’une longue et rude journée où il faudrait tenir et résister.
A la rupture du jeûne, il est félicité par sa famille, ses amis l’honorent de quelques billets bien mérités.Du lait, des dattes et une délicieuse soupe connue sous le nom de «lahssa» font partie du menu.Les mains du jeune sont enduites de henné et ses yeux passés au «khol». On lui enfile aussi un anneau en argent .
Et voilà notre jeune homme devenu adulte
Le rituel du thé est incontournable, un thé aux trois lettres «J». La première lettre «J» (jmer ou braises), la seconde «J»(pour la jmaâ ou le groupe )et enfin la troisième «J» (pour le jarr ou le chant). Aux environs de 22 heures, direction la mosquée pour les prières surérogatoires (tarawih) qui durent environ une heure.Retour à la maison pour faire ripaille et sortir soit afin de rejoindre le centre-ville pour les grandes cités soit s’affaler sur le sable doux et fin des dunes dans les ksour.
Là, on parle, de tout et de rien, les téléphones s’invitent majestueusement à la soirée. L’un des présents s’éclipse discrètement pour aller chercher ce thé, breuvage qui vous assure énergie et force. Les femmes, une fois les tâches domestiques accomplies, se retrouvent entre elles, évoquant, les recettes du jour, les dernières séquences du feuilleton que personne ne rate.
L’heure du «shor» est aux alentours de trois heures trente, voire un peu plus .Si certains continuent à se gaver littéralement de couscous arrosé de soupe ou de lait caillé, d’autres par contre se contentent de quelques poignées de «sfouf», dattes concassées et gardées dans une «tadara», ustensile en osier, et de gorgées d’eau ou de lait.
Un verre de thé pour clôturer le tout et le tour est joué, le ventre bien rempli afin d’entamer la journée. Et on croise surtout les doigts pour qu’il n’y ait pas de coupures d’électricité : pas d’électricité, pas de fraîcheur, pas d’eau, pas de feuilleton. La vie tourne au ralenti ! Dur, dur est le Ramadhan à Adrar.Mais selon la direction de la Sonelgaz, cette année, toutes les dispositions ont été prises, changements de postes transformateurs, de supports vétustes et surtout de bouclage de lignes au niveau des points noirs recensés l’année dernière afin de mettre fin aux perturbations et les Adraris sont sûrs de passer un bon Ramadhan .