vendredi 26 juin 2015

Adrar : Tit, la cité des miracles !


À notre départ d’Adrar,il était un peu plus de seize heures. La route longue nous offrait un spectacle féerique. De part et d’autre, tel un chapelet, s’égrènent de nombreux ksour, dont chacun renferme un secret et toute une histoire. La présence de marabouts corrobore l’authencité des récits colportés de bouche à oreille. Reggane et la bombe atomique. Tamentit, Boufadi, Fenoughil, Baamar, Aghil, Zaouit-Kounta, In-Zegmir-Sali et, enfin, Enfiss et Reggane qui relate tout un épisode, hélas, malheureux et tragique, de la présence coloniale, où furent commises les pires atrocités humaines en déflorant flore et faune par l’explosion de la première bombe atomique, le 13 février 1960, à El-Hamoudia,70 km de Reggane. De Reggane, on vire carrément à l’Est. Sur une distance de 90 km, apparaît Aoulef, chef-lieu de la daïra. Puis direction Tit, l’enchanteresse, cité des miracles.
Tit, l’enchanteresse !
Juste à l’entrée du ksar, un énorme ‘erg’ s’impose se dressant, majestueusement, avec sa masse de sable, bloquant, ainsi, le passage. Impossible de le détrôner, il faut le contourner: une déviation de quelques centaines de mètres est obligatoire. Notre ami n’a pu se retenir et brandit sa caméra, afin d’immortaliser ce colosse fascinant qui vous défie. Il s’est largement attardé en zoomant sur ce phénomène, spectacle sublime. Un silence abyssal enveloppe Tit qui s’offre au visiteur, dans un décor immuable et légendaire. Quelque 3 000 âmes y vivent dans une ambiance fraternelle que beaucoup leur envie.
L ‘eau, source de vie
L’eau est omniprésente et coule à flot. Il suffit de creuser entre deux et trois mètres pour faire jaillir cette eau douce, fraîche en été et relativement tiède en hiver. La cité repose sur la nappe phréatique albienne qui explique le nom de Tit (Aïn). Avec toute cette réserve contenue dans le sous-sol, si l’eau dans les ménages est coulante, elle n’est pas courante.
El-erg «Echaoueff»
Un «erg» appelé ‘erg Echaouef’ (celui qui permet de voir) la domine et la nargue du haut de ses 80 mètres.Il mesurait plus de 150, mais au fil des années, l’érosion a eu raison de lui. D’ailleurs, un Japonais du nom de Kaboré vient régulièrement, chaque année, mesurer sa hauteur.
Afrague, pour lutter contre les vents
Tit est constamment battue par les vents. Une préoccupation majeure pour l’APC qui a, dans le cadre du filet social, mis en place une équipe, afin de fabriquer des brise-vents, genre de clôture faite de palmes appelée ‘Afrague’. Ils ne font que ça, leur tâche consiste à tenir tête, dans un combat perpétuel et sans relâche, à cette avancée du sable. Il s’agit de sauvegarder le tissu urbain et les ‘jnane ‘(lopins de terre servant à la culture). Le pari n’est pas encore gagné, mais leur volonté est inébranlable. Car par une simple volonté de communautés, ces hommes ont su s’opposer à cette sorte de fatalité en érigeant ce rempart de palmes. Ce qui est magnifique et mérite d’être mis en valeur.
Tit, ses quartiers et ses foggarate
Tit est divisée en cinq quartiers Boussâada, Gasba, Atik, Khalid-ibn-el-walid et Gasbet echorfa (les nobles). Trois foggarate (Jennet erraouda, Djedida et Gasba) alimentent les champs, où poussent des légumes destinés uniquement à la consommation locale. Là, aussi, la dépendance des camions du Nord du pays (Mascara, Tiaret…) est quasi-totale. Leur présence constitue une véritable aubaine pour la population.
Tit et sa variété de dattes
La palmeraie est riche et les variétés de dattes (Tgaza, Tinasser, Tazerzai, Agazou, Ahartane, Tindeken, Tikarbouche… sont très nourrissantes et très appréciées. D’ailleurs, T’gaza et Tinasser sont exportées vers le Mali et le Niger. En contrepartie, des moutons et des dromadaires sont ramenés, dans le cadre du troc. Si Tit figure dans le découpage administratif de la wilaya d’Adrar, ses habitants ont un penchant pour celle de Tamenrasset. Leur tenue ‘bazan’, sorte de gandoura très ample, les différencie de la gandoura d’Adrar, beaucoup plus rétrécie.
L’artisanat, une véritable attraction !
L’artisanat constitue l’une des attractions de la cité qui recèle des éléments de vestige et des pièces artisanales atypiques qui témoignent du génie et de l’habileté des habitants de cette région. Des paniers, des ‘t’bag ‘(plats en osier) ‘tadara’ (genre de jarre) sont fabriqués à partir de palmes ou de tiges de bambous. Le tannage du cuir permet d’obtenir des tapis, des sandales et même des tentes, qui ont contribué à la renommée de Tit. Un jumelage verra bientôt le jour avec une commune de Tizi-Ouzou pour la confection des poteries. L’art ne se perd pas, en véritable globe-trotter, il arrive et se perpétue.
Cet apprentissage sera réservé uniquement aux femmes, afin de résorber une partie du chômage. La plupart des habitations sont construites en pisé (toub) mélange d’argile et de paille).
Le thermomètre dépasse parfois les 50 degrés en été, et les pluies rares font de cette région une région ballottée par les vents. Lorsque celui-çi souffle, la visibilité est quasi- nulle, et vous oblige à vous cantonner chez vous, en attendant la clémence et le répit .
Tit et la forêt pétrifiée
Une forêt pétrifiée n’est pas loin de la cité et sa visite est vraiment conseillée et recommandée. Une autre forêt avec une végétation luxuriante appelée ‘ ‘Sbat ‘ prolifère. Cette plante, appréciée des dromadaires, est très demandée. Durant la célébration des fêtes religieuses et particulièrement l’Aïd el- adha, les autochtones se retrouvent. L’organisation des repas où les gens font ripaille et les jeux revêtent une importance particulière.
L’art culinaire et le sel gemme
Le sel gemme est déniché à deux km de la cité pour la préparation d’un plat à base de ‘regguague’ et de poulet très prisé et très convoité. Un autre plat ‘le baharouz’ (couscous garni de bouzelouf) très demandé, il demeure le plat et le mets favori de cette région.
Sport, une pratique lunatique
Quant au sport, qui se pratique, il ressemble étrangement au hockey sur gazon. Les cannes (clubs) sont fabriquées à partir de branches de palmiers et la balle en piassava (touffe de palmiers). Le jeu suscite un grand intérêt.
Le thé préparé sur des braises demeure une boisson très consommée et répond à un rituel séculaire que des mains habiles de verre en verre, avec dextérité, afin d’obtenir une mousse, preuve d’une bonne décoction. Si, en hiver, la foule se fait plus rare et plus discrète après la prière du ‘ichaa’, l’été foisonne et les noctambules rassurent, par leur présence. Certains ne rentrent qu’au petit matin.
D’autres, sans doute complètement avachis, s’étendent à même le sol, bercés, sans bercette, par une fraîcheur apaisante. D’ailleurs, les mariés saisissent cette opportunité que leur offre la nature, afin de célébrer leur union synonyme de fête où le t’bel regroupe les habitants des ksour voisins tels que Akabli, Ingher et Aoulef. Un bon prétexte d’évasion, de distraction et de défoulement.
Tenues, modernisme, coiffure et transport
Les habitants ont beaucoup changé et les tenues qu’arborent les jeunes filles le démontrent, amplement. Ici, à Tit, le salon de coiffure n’existe pas, et les gens se débrouillent comme ils peuvent, grâce au système ‘D’. Le transport existe, mais il demeure insuffisant. Les navettes reliant Tit à Aoulef sont irrégulières, et souvent les horaires ne conviennent pas. Le téléphone fixe et mobile vous permettent d’entrer en contact avec le monde extérieur, faisant, ainsi, le bonheur des usagers.
L’éducation, une belle perspective !
Deux écoles primaires et un collège assurent la scolarité des enfants. D’ailleurs, il y a autant de filles que de garçons sur les bancs scolaires. Les filles n’hésitent pas à se rendre à Aoulef,50 km plus loin, pour les études secondaires. Tit compte déjà ses universitaires, garçons et filles, qui attendent de débusquer un emploi. Ils se rabattent sur les possibilités d’offres de l’Anem.
HTA, diabète et asthme !
Tit dispose également d’un dispensaire et d’une salle de maternité. En 2000, nous confie le médecin, il n’y avait rien, les femmes accouchaient par terre. Aujourd’hui, la salle de maternité permet aux femmes une plus grande décence. On recence trois ou quatre naissances par mois. Un médecin, deux infirmières et une accoucheuse rurale gèrent tout ce petit monde. La pharmacie est la grande absente et les gens se rabattent, inéluctablement, vers Aoulef. Certains ont recours à un stock personnel pour les premiers soins. Le HTA (hypertension artérielle) est très répandu, surtout chez les femmes, ce qui ne les empêche pas de vaquer aux tâches ménagères avec des pics de 24. Elles s’en accommodent bien, selon le médecin. La population n’est pas à l’abri du diabète et de l’asthme. Le ksar de Tit dispose d’un stade et d’un terrain matico, où les jeunes s’adonnent et animent, à leur manière, d’interminables parties de football.
Le plan quinquennal, une valeur sûre
Tit a bénéficié dans le cadre du plan quinquénal de 150 logements ruraux, de 7 km d’électrification de zones agricoles, d’un chateau-d’eau avec forage et de 5 logements de fonction.
La baraka de Sidi-Saleh
Tit est enveloppée magiquement sous les pans du burnous du marabout Sidi-Salah Baba-Ould el-Hadj, d’après les dires des habitants de cette cité, a fait surgir en une seule nuit du néant, cent puits, une mosquée et une grande gasba (genre de clôture qui entoure les habitations). Le secret est bien gardé et la baraka du Cheikh est omniprésente.
Des échanges fructuants
Chaque année, on organise des échanges entre les ksour de Tit et celui d’Akabli, où des familles entières se rendent chez les unes et chez les autres, en y séjournant une semaine entière. Cet échange contribue à tisser des liens solides et à raffermir les relations entre ces deux peuples.
Valeur et beauté de Tit
La valeur et la beauté de Tit tient d’abord de sa variété. Chaque élément qui la constitue est unique, irremplaçable, indispensable. Face à ces cultures, dont on se sent éloigné, on a commis l’erreur de ne pas interroger leur passé, de ne pas en percer le voile des apparences afin de découvrir que derrière ces manifestations religieuses, sportives et culturelles, derrière ces coutumes, se dissimule un monde très élaboré, indivisible, solide, où vivaient, et vivent encore, ces peuples dans un cosmos ordonné et structuré avec une complémentarité du monde moderne. La visite de Tit est à recommander.
                                                                                                                  

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